dimanche 28 mai 2017

Paul Valéry, poète et philosophe


Paul Valéry, pour l'amoureux des belles lettres, c'est sans nul doute un poète et son oeuvre la plus célèbre, Le Cimetière Marin dont vous pouvez retrouver ici quelques strophes.

Je ne vais pas retracer sa vie, la page Wikipédia qui lui est consacré le fait très bien.

Après un coup d'oeil sur son oeuvre poétique,


Et les siècles par dix
Et les peuples passés,
C'est un profond jadis,
Jadis jamais assez !

Sous nos mêmes amours
Plus lourdes que le monde
Nous traversons les jours
Comme une pierre l'onde !

Nous marchons dans le temps
Et nos corps éclatants
Ont des pas ineffables
Qui marquent dans les fables...


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Si la plage planche, si
L’ombre sur l’œil s’use et pleure
Si l’azur est larme, ainsi
Au sel des dents pure affleure

La vierge fumée ou l’air
Que berce en soi puis expire
Vers l’eau debout d’une mer
Assoupie en son empire

Celle qui sans les ouïr
Si la lèvre au vent remue
Se joue à évanouir
Mille mots vains où se mue

Sous l’humide éclair de dents
Le très doux feu du dedans. 


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Ni vu ni connu
Je suis le parfum
Vivant et défunt
Dans le vent venu!

Ni vu ni connu
Hasard ou génie?
À peine venu
La tâche est finie!

Ni lu ni compris?
Aux meilleurs esprits
Que d’erreurs promises!

Ni vu ni connu,
Le temps d’un sein nu
Entre deux chemises

je voudrais vous faire constater l'acuité de sa pensée et sa modernité, pour ne pas dire son intemporalité.

La politique : Art de faire payer, se battre, se tourmenter les gens - pour des choses qu'ils ignorent, qui ne les intéressent pas, même qui les choquent ou les ennuient.

Toute politique se fonde sur l’indifférence de la plupart des intéressés, sans laquelle il n’y a point de politique possible.
La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
A une époque suivante, on y adjoignit l’art de contraindre les gens à décider sur ce qu’ils n’entendent pas.


Si l'Etat est fort, il nous écrase. S'il est faible nous périssons.

Il est remarquable que les individus devenus en masse plus libres, plus instruits, plus égaux en droits soient aussi devenus plus semblables, plus imitateurs, plus contraints aux-mêmes régimes de vie - plus interchangeables

Un chef est un homme qui a besoin des autres.

L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues: il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution. L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien car elle contient tout et donne des exemples de tout.

Le passé plus ou moins fantastique, ou plus ou moins organisé après coup, agit sur le futur avec une puissance comparable à celle du présent même. Les sentiments et les ambitions s’excitent de
souvenirs de lectures, de souvenirs de souvenirs, bien plus qu’ils ne résultent de perceptions et de données actuelles. Le caractère réel de l’histoire est de prendre part à l’histoire même. L’idée du passé ne prend un sens et ne constitue une valeur que pour l’homme qui se trouve en soi-même une passion de l’avenir. L’avenir, par définition, n’a point d’image. L’histoire lui donne les moyens d’être pensé.

Du jour où vous créez un diplôme, un contrôle bien défini, vous voyez aussitôt s'organiser en regard tout un dispositif non moins précis que votre programme, qui a pour but unique de conquérir ce diplôme par tous les moyens. Le but de l'enseignement n'étant plus la formation de l'esprit, mais l'acquisition du diplôme, c'est le minimum exigible qui devient l'objet des études. Il ne s'agit plus d'apprendre le latin, ou le grec, ou la géométrie. Il s'agit d'emprunter, et non plus d'acquérir, d'emprunter ce qu'il faut pour passer le baccalauréat.

La liberté d'opinions (de publier) ne peut être prise que sur les faits aux dépens des faits, et en conséquence, la non-démonstration, la falsification, omission, diminution ou exagération des faits - la confusion volontaire du vrai, du probable, etc. SONT la liberté d'énoncer les opinions.

Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion.

Il faut former en soi une question antérieure à toutes les autres, et qui leur demande à chacune ce qu’elle vaut.

"Savoir" ce n'est jamais qu'un degré, un degré pour être.

Il faut n'appeler Science que l'ensemble des recettes qui réussissent toujours. Tout le reste est littérature.

Ce qui est simple est faux, ce qui est compliqué est inutilisable.

Ce qui a été cru par tous, et toujours, et partout, a toutes les chances d'être faux.

Un homme compétent est un homme qui se trompe selon les règles.

L’homme moderne est l’esclave de la modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne à sa plus complète servitude. Le confort nous enchaîne. La liberté de la presse et les moyens trop puissants dont elle dispose nous assassinent de clameurs imprimées, nous percent de nouvelles à sensations. La publicité, un des plus grands maux de ce temps, insulte nos regards, falsifie toutes les épithètes, gâte les paysages, corrompt toute qualité et toute critique, exploite l’arbre, le roc, le monument et confond sur les pages que vomissent les machines, l’assassin, la victime, le héros, le centenaire du jour et l’enfant martyr.
Il y a aussi la tyrannie des horaires.
Tout ceci nous vise au cerveau. Il faudra bientôt construire des cloîtres rigoureusement isolés, où ni les ondes, ni les feuilles n’entreront ; dans lesquels l’ignorance de toute politique sera préservée et cultivée. On y méprisera la vitesse, le nombre, les effets de masse, de surprise, de contraste, de répétitions, de nouveauté et de crédulité. C’est là qu’à certains jours on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d’hommes libres.

L'interruption, l'incohérence, la surprise sont des conditions ordinaires de notre vie. Elles sont même devenues de véritables besoins chez beaucoup d'individus dont l'esprit ne se nourrit plus, en quelque sorte, que de variations brusques et d'excitations toujours renouvelées. Les mots "sensationnel", "impressionnant", qu'on emploie couramment aujourd'hui, sont de ces mots qui peignent une époque. Nous ne supportons plus la durée. Nous ne savons plus féconder l'ennui.

La presse, la radio, le cinéma tendent à la ruine de la culture.
Et tous les moyens de dispersion à base d'intensité et de vanité.
Ils sont, d'ailleurs, dominés par des fins politiques et commerciales. Politique et commercialisation étant choses statistiques, et donc ennemies de la culture.

La liberté suppose que quelqu'un mis exactement à ma place ferait autre chose que moi. Mais qui définira cette place ?

Tout ce que tu dis parle de toi : singulièrement quand tu parles d'un autre.

Il n'existe pas d'être capable d'aimer un autre être tel qu'il est. On demande des modifications, car on n'aime jamais qu'un fantôme. Ce qui est réel ne peut être désiré, car il est réel.

La valeur vraie de l'amour est dans l'accroissement de vitalité générale qu'il peut donner à quelqu'un. Tout amour qui ne dégage pas cette énergie est mauvais.

An-archie est la tentative de chacun de refuser toute soumission à l'injonction qui se fonde sur l'invérifiable.
L'individu distingue l'individu dans le précepte ou la doctrine qu'on veut qu'il adopte et qui se revêt de termes dont nul individu n'est capable.
"Sois sûr de ce dont je t'assure et ne suis pas sûr, et ne puis l'être."
"Fais, obéis, pour le bien général qui est l'idée que j'en ai, moi."

La véritable tradition n'est pas de refaire ce que les autres ont fait mais de trouver l'esprit qui a fait ces grandes choses et qui en ferait de toutes autres en d'autres temps.

Si tous les hommes étaient également éclairés, également critiques, et surtout également courageux, toute société serait impossible !

Toute vue de choses qui n'est pas étrange est fausse. Si quelque chose est réelle, elle ne peut que perdre de sa réalité en devenant familière. Méditer en philosophie, c'est revenir du familier à l'étrange, et dans l'étrange affronter le réel.

L'homme est absurde par ce qu'il cherche, grand par ce qu'il trouve

Les maîtres son ceux qui nous montrent ce qui est possible dans l'ordre de l'impossible

Faux philosophes
Ceux qu’engendre l’enseignement de la philosophie, les programmes. Ils y apprennent les problèmes qu’ils n’eussent pas inventés et qu’ils ne ressentent pas. Et ils les apprennent tous !
Les vrais problèmes de vrais philosophes sont ceux qui tourmentent et gênent la vie. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne soient pas absurdes. Mais au moins naissent-ils en vie – et sont vrais comme des sensations.
Le premier mouvement des uns est de consulter les livres ;
Le premier mouvement des autres est de regarder les choses.


Pour un poète, il ne s'agit jamais de dire qu'il pleut.
Il s'agit... de créer la pluie.

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