dimanche 25 août 2013

Nicolas Bouvier


Ecrivain, photographe et grand voyageur de nationalité suisse, Nicolas Bouvier est né le 6 mars 1929 à Grand-Lancy et mort à Genève le 17 février 1998.

De ses premières armes comme reporter à la Tribune de Genève, il acquiert le goût des voyages et publiera de nombreux ouvrages considérés comme des chefs d'oeuvres de la littérature de voyage.

Outre ses reportages photographiques, il a laissé une production de poèmes dont voici quelques extraits :


Love song II

Si vous voulez
peignez haut dans l'air sec vos icônes de neige
entourez-les de majuscules ornées
pendant que les flocons fondent sur votre langue
alléluia ! Moi j'ai d'autres affaires
je traverse en dormant la nuit hémisphérique
derrière le velours de l'absence
je retrouve à tâtons l'amande d'un visage
soie ancienne
les yeux couchés dedans
fenêtres où je t'ai vue tant de fois accoudée
frêle et m'interrogeant
comme un signe ou comme un présage
dont on n'est pas certain d'avoir trouvé le sens
Le chant vert du loriot ne sait rien du silence

Nord-Japon, hiver 1966


Love song III

Quand tisonner les mots pour un peu de couleur
ne sera plus ton affaire
quand le rouge du sorbier et la cambrure des filles
ne te feront plus regretter ta jeunesse
quand un nouveau visage tout écorné d'absence
ne fera plus trembler ce que tu croyais solide
quand le froid aura pris congé du froid
et l'oubli dit adieu à l'oubli
quand tout aura revêtu la silencieuse opacité du
houx ce jour-là
quelqu'un t'attendra au bord du chemin
pour te dire que c'était bien ainsi
que tu devais terminer ton voyage
démuni
tout à fait démuni
alors peut-être...
mais que la neige tombée cette nuit
soit aussi comme un doigt sur ta bouche

Genève, décembre 1977


La dernière douane

Depuis que le silence
n'est plus le père de la musique
depuis que la parole a fini d'avouer
qu'elle ne nous conduit qu'au silence
les gouttières pleurent
il fait noir et il pleut
dans l'oubli des noms et des souvenirs
il reste quelque chose à dire
entre cette pluie et
Celle qu'on attend
entre le sarcasme et le testament
entre les trois coups de l'horloge
et les deux battements du sang
Mais par où commencer
depuis que le midi du pré
refuse de dire pourquoi
nous ne comprenons la simplicité
que quand le cœur se brise

Genève, avril 1983

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