lundi 3 mai 2010

Odysseus Elytis

J’ai dressé mes deux mains par-dessus les chimères
et tous les noirs démons inconjurés du monde
puis m’étant détourné de leurs gueules immondes
j’ai rejoint mon exil au cœur de la lumière !


Né à Heraklion, en Crète en 1911, Elytis est mort à Athènes en 1998.
Sa poésie, trop facilement cataloguée comme une enfant naturelle du surréalisme et de la tradition hellenique, est une subtile alchimie entre l'orient et l'occident, la richesse des thèmes et des mots et la simplicité apparente de l'écriture.
Estimant que seuls 20% de son oeuvre supportait la traduction, il obtint néanmoins le Prix Nobel de Littérature en 1979.

Poète de la "métaphysique solaire", voici quelques fragments à déguster :

Érotas

I
Éros
l’archipel
et la proue de l’écume
et les mouettes de leurs rêves
Hissé sur le plus haut mat
le marin fait flotter un chant
Éros
son chant
et les horizons de ses voyages
et l’écho de sa nostalgie
sur le rocher le plus mouillé la fiancée
attend un bateau
Éros
son bateau
Et la douce nonchalance de son vent d’été
et le grand foc de son espoir
sur la plus légère ondulation une île se berce
le retour.

II
Les eaux joueuses
les traversées ombreuses
disent l’aube avec ses baisers
qui commence
horizon -
Et la sauvage colombe
fait vibrer un son dans sa caverne
bleu éveil dans le puits
du jour
soleil –
Le noroît offre la voile
à la mer
caresses de chevelure
pour ses rêves insouciants
rosée –
Vague dans la lumière
à nouveau donne renaissance aux yeux
Là où la vie cingle vers le large
Vie
vu du lointain –

III
La Mer fait glisser ses baisers sur le sable caressé – Éros
la mouette offre à l’horizon
sa liberté bleue
Viennent les vagues écumantes
questionnant sans trêve l’oreille des coquillages
Qui a pris la jeune fille blonde et bronzée ?
la brise de la mer avec son souffle transparent
fait pencher la voile du rêve
Tout au loin
Éros murmure sa promesse – Mer qui glisse.

Au paradis

Au paradis j’ai fait la marque d’une île
qui tant te ressemble
et une maison dans la mer

Avec un lit immense
et une toute petite porte
tout au fond j’ai jeté l’écho
pour me voir à chaque matin au réveil

Pour te voir passer dans l’eau à mi-corps
et seul, au Paradis, te pleurer, à moitié.

L’Élégie

Du soleil et des années qui viendront sans nous
je porte déjà le deuil et je chante celles qui déjà sont passées
si cela est réel

Les corps et les bateaux complices doucement résonnèrent
les guitares brillant dans l’eau
dirent les « crois-moi » et les « non »
frappant un coup dans l’air, un coup dans le son même…
Enfant embaumé dans l’encens et marqué de la croix pourpre
à l’heure où tombe la nuit à la pointe la plus extrême des rochers
je porte le deuil de ce linge qui fut mien
et qui m’a donné le monde.

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